Angra à Terceira et retour sur les côtes Françaises

Après deux semaines passées sur les îles du centre, nous mettons le cap sur Angra, la capitale de Terceira. Nous naviguons accompagné du voilier Boomerang que nous avions rencontré à Ténérife, puis que nous avons eu un immense plaisir à retrouver à Sao Jorge. Des conditions météorologiques favorables à un retour vers la France ou l’Angleterre semblent se profiler. Nous savons donc que nous ne passerons pas beaucoup de temps à Terceira. Nous commençons par visiter la ville d’Angra qui mérite largement son titre au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Dès le lendemain de notre arrivée, nous partons visiter des tunnels de lave qui nous rappellent la nature également volcanique de l’archipel des Açores.

En dépit de l’intérêt touristique indéniable de l’île de Terceira, nous ne visitons pas grand chose d’autre. En effet, toute notre énergie est mobilisée par l’avitaillement et la préparation du bateau pour la navigation du retour qui totalisent pratiquement 1150 miles, soit plus de 2100 kilomères. Les équipages de Picasso et de La Perla IV rejoignent l’île et nous prenons la décision de faire route ensemble en direction de Brest. Si le temps le permet, nous infléchirons la route vers le nord en direction de l’Archipel des Scilly. Boomerang, qui rentre vers la Rochelle, fait donc une route un peu plus à l’est.

Pour notre part, nous larguons les amarres le jeudi 15 juin vers 17h00. Nous contournons l’île de Terceira par l’est avant de faire route vers le nord. Les premières 24 heures de navigation sont, comme toujours, un peu difficiles. Le bateau est roulé sur le côté, toutes les 8 secondes environ, par des vagues de deux bons mètres. Nous sommes tous un peu malades. Après un peu plus de 24 heures de navigation, la mer se calme peu à peu et nous prenons notre rythme. Les quarts de nuit s’enchaînent toutes les 2h00 à 2h30 et nous essayons également de prendre du repos en journée. Il y en a pour 10 jours, c’est un marathon et non un sprint. Le vent reste bien établi durant les quatre premiers jours de navigation. Nous engrangeons des moyennes quotidiennes d’environ 130 miles, ce qui nous satisfait. Le cinquième jour, nous abordons une zone de vents faibles. La mer est particulièrement calme et il est temps de sortir le spi, cette grande voile bombée que l’on déploie à l’avant du bateau et qui est notre arme anti-moteur.

Malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin. Le vent, qui était faible mais exploitable grâce au spi, devient quasi nul à la tombée de la nuit, nous obligeant à concéder quelques heures moteurs. Nous naviguons en fait au moteur toute la nuit. Le matin, le vent reste aux abonnés absents. Soucieux de ne pas cumuler un nombre d’heures moteurs déraisonnables, nous décidons d’arrêter les bateau et d’attendre. La mer est d’huile et c’est l’occasion rêvée pour une baignade en plein océan.

Le vent fini par revenir et nous repartons sous voiles, d’abord au spi pour quelques heures et puis sous génois. La mer reprend rapidement ses droits et se durcit. La nuit du septième au huitième jour, je suis réveillé par une alarme alors qu’Anne-Lise est de quart. A la sortie du lit, j’annule le message sans en prendre toute la mesure. Les voiles claquent dans tous les sens. Nous sortons sur le pont. Le bateau est en vrac et semble avoir fait demi tour. Nous manœuvrons pour rétablir les voiles et reprendre la route. Je remets le pilote automatique en marche et l’alarme retentit à nouveau tandis que le bateau fait une embardée. L’afficheur indique: »pas de réponse de barre ». Il faut nous rendre à l’évidence, il est environ minuit et nous sommes en panne de pilote automatique. Nous prévenons les copains qui se trouvent à quelques miles seulement. Ils ont la gentillesse de ralentir pour nous attendre. Anne-Lise prend la barre alors que je commence à investiguer la source de la panne. Tout semble fonctionner normalement au niveau de l’électronique. Par contre, lorsque j’examine le vérin, je me rends compte qu’il est désolidarisé du secteur de barre. En d’autres termes, le pilote fonctionne toujours mais n’actionne plus la barre. Nous nous rendons compte rapidement que la jonction est simplement dévissée et non cassée. Ouf, nous allons pouvoir réparer assez facilement. Malheureusement, le secteur de barre est d’accès difficile sur Lady Mi. Il faut démonter et extraire par l’arrière du bateau une partie du plancher du cockpit. Il me paraît déraisonnable d’entamer la manœuvre la nuit d’autant que la mer est formée. Nous nous relayons donc à la barre jusqu’au petit matin. Au réveil, nous mettons le bateau à la cape, c’est à dire que nous le positionnons de façon telle qu’il dérive lentement sans que nous ayons à tenir la barre. C’est indispensable puisque c’est précisément sur le secteur de barre que nous allons travailler et qu’il doit par conséquent rester immobile. Nous démontons le plancher et la jonction entre le secteur et le vérin. Nous réassemblons le vérin et remettons tout en place. Après une bonne demi-heure de bricolage, Lady Mi peut repartir dans la bonne direction… sous pilote. Nous sommes soulagés de ne pas devoir barrer non-stop durant les deux derniers jours de traversée. En raison de cette mésaventure et de la longueur de la traversée, la fatigue s’installe à bord de Lady Mi pour les deux derniers jours. Nous prenons la décision de faire route sur Brest car une dépression approche l’ouest des îles Britanniques et lève du vent et de la mer sur les Scilly. Nous ne nous laissons pas abattre pour autant. Nous arrivons même à faire du pain et à pêcher, par chance, une orphie.

Il nous faut attendre le début de la dixième nuit dixième nuit passée en mer pour apercevoir les premières lumières sur la côte Française. Comme souvent, les derniers miles semblent interminables et c’est finalement vers 6h30 du matin que nous amarrons Lady Mi à Brest.