Viva España !

Le lendemain de notre arrivée à Port-la-Forêt, nous sommes rejoints par Tarumba et son équipage que nous n’avions plus vu depuis Dunkerque. Nous organisons une petite soirée galettes bretonnes à bord de Lady Mi pour fêter ces retrouvailles (merci à Félix Yann pour la recette). Nous profitons des alentours de Port-la-Forêt le lendemain et terminons la journée par un souper spaghettis à bord de Tarumba. Charlotte est ravie de retrouver ses compagnons de jeux.

Nous profitons de cette escale pour faire vérifier et régler le mât de Lady Mi. Sur un voilier comme le nôtre, le mât est tenu par un ensemble de câbles que nous avons fait changer il y a un an. Ces câbles s’allongent progressivement à la faveur des sollicitations produites par les premières navigations. Ils ont maintenant atteint leur longueur définitive et le mât nécessite un réglage.

Sur le plan météorologique, une zone anticyclonique que nous surveillions depuis longtemps se développe au large des îles Britanniques. Elle va nous amener un vent de nord ou nord-est qui est favorable à une traversée du golfe de Gascogne dans de bonnes conditions. Alors, c’est décidé, nous repartons. Nous optons pour un départ le mercredi 14 en fin de journée. En effet, le vent commence à s’établir dans la soirée et les conditions sont annoncées stables pour les deux premiers jours. Elles devraient donc nous permettre d’arriver à Gijon vendredi soir, avant que la houle ne se lève et que les rafales de vent soient plus fortes dans la journée de samedi.

L’analyse faite par l’équipage de Tarumba est similaire. Un départ synchrone est donc une évidence qu’il ne nous est même pas nécessaire de verbaliser. Les bateaux sont prêts vers 18h00 et nous quittons ensemble Port-la-Forêt avec un vent encore faible qui nous oblige à faire quelques heures de moteur. Comme prévu, le vent s’établit en fin de soirée. Nous envoyons le génois tangonné au vent et éteignons le moteur. La vitesse se stabilise rapidement autour de six noeuds. Nous subissons une houle de travers d’un gros mètre mais la navigation n’est pas inconfortable. Les quarts de nuit s’organisent. Nous optons pour deux fois trois heures et puis deux fois deux heures.

La mer se lève progressivement au cours de la nuit pour atteindre un bon mètre cinquante le matin. Charlotte s’éveille tout sourire malgré les mouvements du bateau et gagne vite le cockpit pour un petit déjeuner crêpes au choco. Nous sommes accompagnés par une multitude de dauphins qui agrémentent la navigation de leurs nombreuses pirouettes.

Le temps est ensoleillé et Lady Mi avale les miles avec un facilité déconcertante. Nous gardons un contact VHF avec Tarumba toutes les deux à trois heures pour partager nos impressions et le plan de la route. La seconde nuit arrive finalement assez vite. Nous gardons la même formule pour les quarts. Le vent est un peu plus capricieux en fin de nuit et nous dévions lentement mais sûrement à l’ouest de la route. Nous empannons donc pour faire route quasi directe vers Gijon. Nous passons la matinée du deuxième jour à chercher un peu le vent. Nous essayons une nouvelle configuration de voiles: grand voile haute, génois tangonné au vent et trinquette sous le vent. C’est la première foi que Lady Mi porte trois voiles simultanément. Il faut être honnête, ça a fait beaucoup de manœuvres pour un gain de vitesse assez marginal.

Le vent rentre en début d’après-midi, nous permettant d’enfiler les dernier miles à une vitesse constamment supérieure à six noeuds. Nous arrivons dans le port de Gijon vers 20h30 après à peine plus de deux jours de mer.

La température est agréable, la fête bat son plein tous azimuts aux alentours de la marina et le chant de la langue espagnole résonne de partout. Le changement d’ambiance ne tarde donc pas à nous envahir…

Golfe de Gascogne, premier essai. Le jour où Lady Mi a vaincu son équipage

Peu de temps après notre arrivée à Camaret-Sur-Mer, les prévisions météorologiques se dégradent franchement. On annonce l’arrivée d’une première dépression, puis de la tempête tropicale Danielle qui sera reclassée plus tard en ouragan de catégorie 1, lui-même suivi d’une troisième dépression. Devant ces prévisions peu engageantes, nous prenons la décision de naviguer vers Brest avec l’idée d’y trouver un bon abri d’une part et d’autre part de bénéficier des facilités logistiques et des opportunités culturelles offertes par une grande ville.

Nous naviguons donc vers Brest par beau temps. Les paysages offerts par la rade sont très jolis et les conditions de navigations y sont excellentes. Charlotte assure un magnifique reportage photos et vidéos.

Après trois heures de navigation, nous arrivons à la marina du Moulin Blanc. Peu après notre arrivée et comme prévu, le temps se dégrade. La première dépression s’installe durablement à l’ouest de l’Irlande. Elle nous envoie durant une bonne semaine un vent soutenu de sud-ouest avec de fortes rafales et de violentes averses. Il est illusoire de penser à prendre la mer dans ces conditions. Nous en profitons pour nous balader et visiter un peu la ville

Le centre de Brest semble agréable à vivre. Nous descendons l’artère principale en direction du château qui abrite aujourd’hui le musée de la marine nationale que nous n’aurons malheureusement pas la possibilité de visiter. Sans but et sans même savoir où nous allons, nous empruntons le téléphérique qui passe au dessus de la Penfeld. Il nous mène « aux ateliers ». Nous y découvrons qu’il s’agit des hangars d’un ancien chantier naval qui ont été reconvertis en un site où cohabitent espaces de détentes, zones de co-working, petits commerces, activités culturelles et entreprises centrées sur une activité locale. Tant sur le plan architectural que de part l’ambiance qui imprègne ce lieu, cette reconversion est remarquablement réussie.

Brest est aussi l’occasion de faire un peu de bricolage sur Lady Mi. Depuis quelques temps, nous avons des petits problèmes avec l’anémomètre qui donne parfois des mesures incohérentes. Je monte au mat pour essayer de comprendre ce qui se passe. Je ne vois pas vraiment pourquoi les coupelles se bloquent par moment. Je graisse le tout et cela semble rentrer dans l’ordre. Par contre, je constate qu’une partie du feu de mouillage est manquante. La seule solution est de procéder au remplacement du feu. Je passe plus d’une heure en tête de mat pour installer le nouveau feu ; Le plus difficile étant d’effectuer la soudure des fils à cette hauteur et sans pouvoir aisément les stabiliser dans une bonne position. Je ne suis pas content de l’esthétique de la soudure mais elle est fonctionnelle. Nous ne sommes toujours pas débarrassés de nos problèmes d’antenne GPS. Lorsque nous allumons les instruments du bord, et cela depuis plus d’un an, nous n’avons pas toujours de données de position et l’antenne est indétectable sur le réseau. Après avoir procédé à une vérification complète du système et enlevé une terminaison excédentaire, nous pensions avoir réglé le problème. Malheureusement, nous perdons à nouveau régulièrement ces données essentielles à la sécurité et au confort de la navigation. Je décide donc de commander une nouvelle antenne. Suite au prochain épisode…

La pluie nous contraint aussi à passer davantage d’heures à bord et en particulier à l’intérieur. Nous y partageons de bons moments faits d’innombrables parties de Scrabble, quelques parties d’échec, de la lecture, de la musique et d’un peu de travail. Le temps ne semble pas long.

Les journées sont aussi rythmées par l’analyse des données météorologiques qui sont mises à jours toutes les 12 heures, à 9h30 et 21h30. Nous attendons des conditions favorables à un départ vers l’Espagne. La traversée du golfe de Gascogne est réputée difficile et nous savons que plus le temps passe, plus la probabilité de bénéficier de bonnes conditions météorologiques et d’une mer raisonnablement calme s’amenuise. Nous identifions une possibilité de départ le vendredi 9/09 mais elle n’est pas idéale. Le vent est à l’ouest, ce qui implique de naviguer au bon plein pour commencer. Pour les non initiés, cela signifie que le bateau gîte assez fort (penche) et que la vie à bord y est difficile. Il faut aussi négocier un passage de front en milieu de traversée mais cela paraît jouable. Enfin, il y a entre 2 mètres et 2,5 mètres de houle d’ouest au moment où il faudrait partir mais il est prévu qu’elle s’atténue… Cela fait 9 jours que nous sommes bloqués et il n’y a pas d’autres opportunités de départ en vue à court terme, alors nous décidons de tenter notre chance. Comme nous savons que les conditions seront difficiles, nous prévoyons un plan B qui est de nous dérouter vers Concarneau après le passage du raz de Sein, et un plan C qui est de faire un nouvel arrêt à Camaret-Sur-Mer à la sortie de la rade de Brest.

Afin de prendre un bon départ, nous devons passer le raz de Sein avec le courant favorable, c’est à dire avant 10h30. Nous larguons donc les amarres à 5h30 après avoir fait un appoint de gasoil. Avec le vent à l’ouest, il faut tirer des bords pour sortir de la rade de Brest. Le vent souffle a environ 5 Beauforts mais les rafales atteignent 7 Beauforts. Nous naviguons avec deux ris dans la grand voile (environ 60 % de sa taille maximale) et la trinquette (petite voile d’avant). Nous arrivons au niveau du goulet vers 7H00. A cet instant, la mer se lèvre brutalement, matérialisant la transition entre la rade, protégée, et l’avant goulet, qui ne l’est pas. Non seulement, c’est inconfortable mais cela ralentit considérablement notre progression. Nous avons hâte d’abattre (orienter notre route plus au sud) pour être moins face à la houle et au vent. En raison de l’inconfort et du mal de mer qui ne tarde pas à s’installer, nous faisons un petit tour de table. L’équipage est unanime: pas d’arrêt à Camaret, on continue… Après deux heures, le vent commence à faiblir et je crains de ne pas être assez rapide pour passer le raz avec le courant favorable. Nous affalons donc la trinquette, envoyons le génois (grande voile d’avant) et larguons les deux ris dans la grand voile. La manœuvre prend 20 minutes. A peine est-elle terminée que nous voyons arriver sur nous un énorme grain orageux. Pas le temps de faire quoi que ce soit. L’anémomètre enregistre 30 nœuds et des trombes d’eau s’abattent sur le bateau. La navigation est franchement sportive mais il y a du positif: Notre vitesse monte à huit nœuds pendant 1h30, ce qui nous permet d’arriver tout juste à l’étale du courant au niveau du raz.

Ile de Sein

Lady Mi se comporte très bien et nous nous sentons en sécurité mais il faut être honnête, nous sommes loin du cliché de la chaîne de voile youtube… Le cockpit est en vrac avec les bouts (cordages) non rangés après les manœuvres, nous sommes trempés et malades à des degrés divers. Nouveau petit tour de table: nous passons au plan B et mettons cap vers Concarneau. La mer se tasse progressivement et le ciel s’éclaircit, ce qui nous permet de récupérer. Nous approchons Concarneau vers 18h30. J’appelle à la VHF pour demander une place mais ils nous annoncent que le port est complet et qu’ils ne savent pas nous accueillir. Nous devons nous dérouter vers Port-La-Forêt dont je ne connais pas l’approche. Comme toujours dans ces moments là, le vent monte à 20 nœuds et le bateau accélère alors que nous aimerions prendre le temps d’étudier la carte et la plan du port. Je mets le bateau à la cape (sorte de position d’arrêt avec les voiles hissées). Nous regardons rapidement comment aller vers Port-la-Foret et puis prenons la route du chenal. Nous amarrons vers 19h30, fatigués mais contents.

Bourg-la-Foret

Cette navigation est la plus difficile que nous ayons faite jusqu’à présent et elle nous a appris énormément de choses. La première étant que le bateau passe bien la mer et reste facile à manoeuvrer même quand les conditions se durcissent. Nous sommes rassurés sur ce plan là et comme tout bon bateau, il est plus fort que son équipage. La seconde est que plus de deux mètres de houle de face ou bien de travers et une allure de près rendent le bateau invivable car la gîte et le roulement se conjuguent. En pratique, cela signifie qu’il est difficile de descendre dans le carré et impossible de préparer autre chose à manger que du grignotage. Ces conditions sont supportables quelques heures. Par contre, il nous paraissait difficile de les tenir durant l’entièreté de ce qui devait être notre plus longue navigation à ce jour. Ceci explique le passage au plan B. Au moment où j’écris ces lignes, une meilleure fenêtre météo se dessine et nous avons l’intention d’en profiter.

L’imprévu

Nous savions que nos vies seraient conditionnées par les marées, le vent et les courants ; c’était même une de nos motivations. Nous savions que nos choix seraient arbitraires, qu’entre le « trop de vent », « pas assez de vent », « bon vent mais trop de vagues » et « vent mal orienté », il faudrait trancher. Laisser la place à l’imprévu ne cesse pourtant de nous surprendre.

photos prises par notre reporter de navigation, Charlotte

Brest ne faisait pas partie des escales planifiées initialement, mais elle offre un abri salutaire devant l’accumulation des alertes météo. Au vu des prévisions, nous devrions y rester cachés un bon moment. Nous étions au courant pour le dérèglement climatique, mais pas encore préparés à affronter une tempête tropicale au large des côtes bretonnes. Nous avons donc quitté Camaret-sur-mer, sa baignade au milieu des falaises et le tournepierre à collier qui venait nous saluer chaque matin dans le cockpit.

À Brest, bien plus qu’un abri, nous découvrons tout d’abord un port (Moulin Blanc) bien équipé, où on peut croiser de vieux gréements et des trimarans de course. Nous en profitons pour contacter un chantier pour les ajustements du gréement et effectuer quelques travaux inévitables. Les escales dans les grandes villes sont propices aux réparations (nous avions déjà fait réparer le Spi à Cherbourg). Au début, les alertes météos sont très abstraites, une menace lointaine qui n’empêche pas de profiter du calme avant la tempête. Charlotte découvre une petite piscine d’eau de mer, dans l’enceinte même du port, qu’elle peut rejoindre en paddle. Découvrir hors saison l’immense musée-promenade-aquarium d’Océanopolis est un luxe qui nous permet de prolonger et répéter la visite autant que souhaité. Ensuite, nous poussons jusqu’au centre-ville, qui vaut bien mieux que les faubourgs (comme dans beaucoup de villes). Le hasards des déambulations nous fait prendre le téléphérique et découvrir des ateliers hors du commun ou plutôt, des ateliers mis en commun, un lieu unique qui donne envie de s’y attarder : les ateliers des Capuçins. Non loin de là, la rue pavée Saint-Malo, découverte également au hasard d’un escalier de pierres, est une autre invitation au voyage communautaire.

Après 48 heures, la météo devient concrète et nous sentons pourquoi nous avions dû nous réfugier ici. Le vent et la pluie sont arrivés. La terre sèche avait besoin d’eau. Nous sommes soulagés d’être à l’abri.

Ce n’est pas la première fois qu’une ville nous surprend. Roscoff nous avait offert 2 visages opposés : le premier débordant de flâneurs, rendant la chasse-à-une-place-en-terrasse hasardeuse, et le second vide, au lendemain de la fête de l’oignon, dernière festivité folklo-touristique. Où s’étaient évaporés les visiteurs de la veille ? Où s’était volatilisée cette marée humaine ? Nous nous étions réveillés dans un port désert, des plages inoccupées (mais accueillantes).

Les prévisions météo nous faisaient quitter Roscoff un jeudi ; la réalité du vent nous a fait appareiller à l’improviste la veille au soir. Nous commencions à être rodés ; la préparation du bateau accélère au fil du temps. Bien synchronisés, le courant électrique est expédié, les vannes sont fermées, les hublots verrouillés, les portes bloquées, tout est attaché, les gilets, harnais et balises enfilés. Nous avons alors découvert quelques avantages au départ improvisé. Tout d’abord, l’absence de regret, ou de « dilemme du dernier jour » quant au choix des activités de la dernière journée. Désormais, chaque journée est la dernière. Ensuite, l’absence d’appréhension (de la houle, des vagues, du mal de mer), l’absence de temps pour avoir peur. La peur est peu utile. Enfin, la navigation de nuit est très particulière. En tant que parents, elle nous rassure : elle épargne une navigation à Charlotte, qui préfère la vie au port et à la plage. En tant que parents, elle nous effraie aussi : ce que nous avons de plus cher au monde est enfermé dans cette boîte sans freins, lancée dans le noir à la force du vent. Il y a quelque chose de vertigineux à être éveillée la nuit, avec la responsabilité d’un navire, certes bien équipé avec tous les instruments modernes, mais qui avance dans l’obscurité totale, et est dépourvu de freins. Le plafond étoilé semble infiniment grand, la mer sombre infiniment profonde, et le vent nocturne infiniment froid (où est passé le soleil?). On comprend mieux les histoires de solidarité en mer, l’indispensable confiance qui soude les gens comme une famille. Les sons sont amplifiés et l’imagination travaille (un grincement par ici, un bruissement d’aile par là). En début de quart, le stress me tient en alerte. En fin de quart, la privation de sommeil et une imagination débordante remplacent tout ce que mes yeux ne peuvent encore voir. Même les périodes de repos sont agitées avec la mer bruyante tout autour. Aux premières lueurs de l’aube, j’entends une série de Ploufs autour du bateau. Mes yeux fouillent l’obscurité à la recherche du monstre à l’origine de l’attaque, une orque certainement, me persuade mon cerveau fatigué. Lorsque le soleil se lève enfin, la réalité éclate, il n’y a aucun danger : c’est un banc de dauphins qui accompagne joyeusement notre arrivée à l’Aber Wrac’h.

L’inattendu peut aussi se trouver dans les détails. Nous savions que nous allions naviguer. Nous attendions moins les autres transports. Charlotte aime le cheval, nous aimons le vélo : on trouve l’un et l’autre. Par contre, les « véloroutes » bretonnes n’ont rien à voir avec les RAVeLs belges : ici, de simples marquages peints sur des routes trop étroites et très fréquentées sont un vrai test d’agilité et de sang froid. Peut-être aussi inspirons-nous la pitié – ou la curiosité – mais nombre de conducteurs insistent pour nous véhiculer. Je n’étais jamais montée dans la voiture d’un inconnu. Il faut une première à tout. Me voici tantôt à bord de la camionnette du gérant du Super U, tantôt à bord de la voiture d’une autre cliente.

Les surprises encore viennent des rencontres en mer, lorsque nous retrouvons un de nos mentors de retour des Açores alors que nous descendons vers le Sud. Les surprises nous font parfois hésiter sur des fenêtres météo, sur des décisions à prendre, mais plus nous avançons, plus la confiance s’installe… même en planque pour cause de tempête tropicale.

Camaret-sur-Mer

Le réveil n’a pas de pitié pour la soirée retrouvailles que nous avons passée en l’agréable compagnie de Félix Yann. Il est 6 heures, nous sortons du lit pour préparer le bateau et larguer les amarres d’ici une bonne heure. En effet, la navigation entre l’Aber Wrac’h et Camaret-sur-Mer passe par le chenal du Four. Ce chenal est une passe entre la pointe Saint-Mathieu et l’île de Beniguet. Les courants peuvent y atteindre un peu plus de cinq nœuds et la mer se lever dangereusement dans les situations où le vent souffle dans la direction opposée au courant. La gestion du temps est donc essentielle pour cette navigation.

Nous prenons un petit-déjeuner, préparons le bateau et larguons les amarres un peu après 7h30 comme prévu. Plusieurs bateaux quittent aussi le port à cette heure. Le courant est le même pour tout le monde… A la sortie l’Aber Wrac’h, le vent est orienté au secteur nord-est et trop faible que pour naviguer vent arrière. Les bateaux qui nous accompagnent prennent tous la route directe en faisant usage du moteur. Il est trop tôt pour que je me résigne à cette solution. Nous envoyons le spi et tirons un bord vers le large. La direction du bateau plus près du vent crée en effet un peu de vent apparent et nous permet de naviguer à la voile mais pas tout à fait dans la bonne direction ! Après environs une heure, nous empannons et le vent semble tout juste suffisant pour nous permettre de nous engager dans le chenal du Four sous spi. Je suis soulagé, l’option que nous avons choisie semble viable. La descente du chenal ne pose pas de difficulté particulière. Il suffit de respecter les bouées qui le délimitent. Le temps est à nouveau radieux et nous apprécions la beauté de la côte ainsi que le passage de la pointe Saint-Mathieu.

Une fois sortis du chenal, nous tirons des bords dans l’avant-goulet de Brest jusqu’à abattre en direction de Camaret. Nous sommes étonnés par la beauté des falaises qui entourent le plan d’eau.

Camaret-sur-Mer est une petite station à vocation plutôt balnéaire. Elle est connue pour sa tour Vauban remarquablement bien conservée et dont nous ne manquons pas la visite.

Tour Vauban – Camaret-sur-Mer

Nous empruntons également le GR côtier jusqu’à la pointe du Gouin. Ce sentier s’élève peu à peu au dessus de la baie de Camaret sur laquelle il offre une magnifique vue.

Camaret-sur-Mer

Cette étape à Camaret-sur-Mer devait être, selon mes projets, la dernière étape de notre parcours breton et notre point de départ pour traverser le golfe de Gascogne en direction de la Corogne. Malheureusement, les prévisions météo pour la première semaine du mois de septembre ne sont pas bonnes. Une dépression s’installe progressivement sur l’ouest des îles Britanniques et amène sur la pointe de la Bretagne un vent soutenu de secteur sud – sud-ouest accompagné de violentes rafales qui lèvent une grosse houle sur le golfe de Gascogne. Cette situation météorologique, qui n’est pas amenée à évoluer rapidement, rend tout départ vers l’Espagne impossible.

Carte météo illustrant la force et la direction du vent ce dimanche 4 septembre. Plus les couleurs sont chaudes, plus le vent est fort. En termes de direction, il tourne dans le sens anti-horaire autour de la dépression (L)

Pour la première fois depuis le début de ce voyage, nous sommes donc amenés à réfléchir à un plan B…

L’Aber Wrac’h

Durant notre séjour à Roscoff, le vent était orienté à l’ouest, ce qui n’était pas favorable. Nous avions initialement prévu de quitter Roscoff le mercredi 24 Août en soirée car le vent allait progressivement s’orienter au nord-ouest. En prenant la météo la veille, soit le mardi 23 vers 21h30, je m’aperçois qu’un des modèles sur lesquels je base mes décisions annonce pour la nuit un vent sud-sud-ouest. J’allume la centrale de navigation qui me confirme l’orientation du vent. Il est faible mais cela semble jouable. Je discute avec Anne-Lise et nous décidons de partir dans l’heure, direction l’Aber Wrac’h. Nous prévenons Charlotte qui venait d’aller se coucher que nous naviguerons de nuit car les conditions s’y prêtent. Le bateau est prêt en une demi heure top chrono et nous larguons les amarres avec les dernières lueurs du jours. Nous commençons par 30 minutes de moteur pour nous dégager de l’île de Batz avant d’établir les voiles et de mettre cap à l’ouest. La mer est calme. Lady Mi avance à 4 – 5 noeuds puis ralentit avec la bascule de courant. Qu’importe ! Notre objectif est d’arriver à l’Aber Wrac’h après le lever du jour et nous avons tout notre temps. Après ce départ précipité, nous prenons une soupe dans le cockpit puis décidons de la répartition des quarts de nuit. Nous optons pour une durée de deux heures car la nuit est déjà bien entamée.

Comme prévu, nous approchons l’Aber Wrach peu après les premières lueurs du jour. Nous sommes accompagnés par plusieurs bancs de dauphins qui viennent nous amuser et s’amuser avec le bateau. Le spectacle est féerique. Les quelques bancs de brume matinale qui se sont formés ne nous empêchent pas de reconnaître le phare de l’île de Wrac’h que nous alignons avec une colline pour trouver notre chemin entre les rochers. Après le passage de la cardinale ouest dénommée « petit pot de beurre », nous entrons dans l’Aber. Une demi-heure plus tard, Lady Mi est amarré. Charlotte se réveille et nous prenons le petit déjeuner dans cet endroit que nous nous réjouissons de découvrir.

Les Abers sont des vallées envahies par la mer. Ici, le va et vient de la marée côtoie les flancs des collines. Lorsque nous arrivons dans un nouvel endroit, nous avons l’habitude de le découvrir à pied pour commencer. C’est ainsi qu’une balade improvisée en fin d’après-midi le jour de notre arrivée nous conduit au sémaphore. Cette bâtisse, autrefois dédiée à la surveillance de la navigation et aujourd’hui reconvertie en maison de la culture, domine l’aber et la côte environnante. Elle offre une vue imprenable. Ce premier contact avec cette région bien mystérieuse pour nous nous donne envie de rayonner davantage.

Nous louons deux vélos et un suiveur pour Charlotte. Une promenade de 35 kilomètres partagés entre chemins de pierres, petites routes goudronnées et malheureusement quelques segments de routes départementales nous conduit entre l’Aber Wrac’h et l’Aber Benoît. Nous y apprenons, tout en découvrant de superbes paysages, que la région est connue pour l’ostréiculture et la mytiliculture (culture des moules pour les incultes que nous étions). Nous parcourons également à pied un partie du GR 34, un sentier côtier, en direction de l’île de Wrac’h qui semble si proche mais que nous n’atteindrons jamais…

Enfin, notre séjour à l’Aber Wrac’h est l’occasion de formidables retrouvailles. En effet, nous y retrouvons Felix-Yann et son bateau, le Shanti Nagar. Félix-Yann et son épouse Romy, nous avaient accueillis sur leur bateau durant les vacances de pâques 2018 pour une formidable croisière entre Saint-Malo et les îles Anglo-Normandes. Peut-être sans le savoir à l’époque, Félix-Yann fait partie des deux ou trois skippers qui m’ont appris le plus. Notre façon d’aborder la navigation à bord de Lady Mi s’inspire encore très largement de son style qui reste toutefois inimitable. Non contents de nous donner quelques clés pour savoir comment aller d’un endroit à un autre en voilier, Félix-Yann et Romy nous ont aussi appris comment vivre sur un voilier, gérer l’avitaillement… C’est donc avec beaucoup de plaisir et d’émotion que nous nous sommes retrouvés à bord du Shanti Nagar pour une soirée galettes bretonnes au mouillage de l’Aber Wrac’h. Encore un immense merci à eux sans qui nous ne serions probablement jamais arrivés jusqu’ici. Il n’y avait pas de plus belle façon de terminer notre séjour.

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Roscoff

Nous quittons Trebeurden un peu après 12h00, un compromis entre une hauteur d’eau encore suffisante pour aborder le chenal à marée descendante et la volonté de bénéficier d’un maximum de courant favorable pour aller à Roscoff. Le vent est faible mais la météo l’avait annoncé. Charlotte prend la barre pour dans le chenal alors que nous rangeons les pare-battages et établissons les voiles. Cette navigation va nous confronter à de nouvelles sensations, celles produites par la houle. En effet, une dépression située à l’ouest des îles britanniques amène une houle de nord ouest sur la pointe de la Bretagne. Nous savons que cette houle, plus ou moins longue et plus ou moins ample, va désormais rythmer nos navigations des prochains mois. Aujourd’hui, la hauteur est encore assez faible, de l’ordre du mètre, et la période est moyenne, 7 à 8 secondes. Le mouvement du bateau est doux mais il ne nous est pas familier. Associé à un vent trop faible pour stabiliser le bateau sur l’eau, le résultat ne se fait pas attendre longtemps; nous sommes tous malades. Charlotte commence, mais je ne tarde pas à suivre. Une fois n’est pas coutume, Anne-Lise ferme la marche. La situation reste gérable et la navigation est de courte durée. Nous n’avons malheureusement pas la possibilité de profiter du spectacle offert par la traversée de la baie de Morlaix car un épais brouillard l’envahit progressivement. Nous poursuivons la navigation à l’aide du radar qui nous est bien utile pour localiser un bateau de pêche et manœuvrer à temps pour l’éviter. Après un peu plus de trois heures, nous amarrons Lady Mi dans le port de Roscoff.

La côte de granit rose est maintenant bien derrière nous. Roscoff est une petite cité côtière qui porte les marques de différentes époques de l’épopée maritime du vieux continent. Les maisons y sont construites d’épais blocs de granit gris et leurs façades sont ornées de fenêtres à croisillons. En parcourant la ville, on imagine combien la nécessité de se protéger de la successions des tempêtes hivernales à la mauvaise saison a façonné ici l’habitat et le paysage de la côte. Le centre est coquet mais encore inondé d’un flot de touristes qui profitent d’un soleil généreux durant les derniers jours de vacances d’été.

A bord, nous préparons aussi la transition entre les vacances et la suite du voyage. Le rythme change progressivement. En matinée, chacun vaque à ses occupations: travaux scolaires, harpe, petites réparations et travaux d’entretien sur Lady Mi. Les après-midi sont davantage consacrées aux visites et autres jeux de plage.

Nous décidons de jouer les infidèles vis à vis de Lady Mi et empruntons un passeur pour aller visiter l’île de Batz. Cette île située au large de Roscoff peut être parcourue à pied. Elle offre un joli terrain de randonnée pédestre et de magnifiques petites baies où l’eau turquoise rejoint un sable fin et déjà bien blanc. Au large, la mer, calme en apparence, déferle sur les innombrables rochers qui affleurent l’eau.

Nous visitons également un splendide jardin exotique qui regroupe des milliers de plantes tropicales sur une surface de 16 hectares, une des fiertés de la ville.

Enfin, à seulement quelques centaines de mètres de la marina, nous découvrons une magnifique petite plage de sable blanc. L’endroit est de taille modeste, assez peu fréquenté et entouré d’une végétation presque luxuriante malgré la sécheresse. Nous y passons de très bons moments.

Trebeurden

Nous quittons Lezardrieux le samedi 13 août bien plus calmement que nous y étions arrivés. Le vent est faible mais doit se lever en matinée. Charlotte prend la barre dès la fin des manœuvres de port et gère admirablement la descente du Trieux avec quelques conseils. Le vent s’établit gentiment dans l’estuaire. Nous hissons les voiles et mettons le cap au large. En effet, compte tenu de l’orientation prévue du vent, nous avons prévu de contourner les sept îles par le large. Malheureusement, après environ une demi heure, le vent tombe complètement. Les voiles se mettent à battre en tous sens. Nous affalons et démarrons le moteur. Inutile de faire plus de miles que nécessaire dans cette situation. Nous recalculons la route pour passer entre les sept îles et le continent. Après deux heures, le vent s’établit comme prévu. Nous remettons les voiles et commençons à tirer des bords de grand largue sous spi asymétrique de part et d’autre de notre route. Le bateau avance bien. Ce sont nos premiers empannages sous spi mais nous comprenons vite que moyennant deux ou trois détails, la manœuvre ne pose pas de problème particulier.

Le paysage offert par la côte de granit rose, magnifié par les rayons du soleil, est splendide. Pour couronner le tout, nous sommes, à plusieurs reprises, accompagnés par des bancs de dauphins qui agrémentent la navigation de leurs multiples pirouettes aquatiques.

Paradoxalement, nous devons même ralentir le bateau à l’approche de Trebeurden. En effet, comme dans beaucoup de ports bretons, le chenal s’assèche complètement à marée basse. Nous avons décidé de nous octroyer une bonne marge de sécurité pour préserver la suite du voyage… Nous attendons donc que la marée atteigne six mètres avant de nous approcher.

Trebeurden est une petit citée à caractère balnéaire. Les plages sont belles et encore très fréquentées. Derrière, les flancs de collines sont jonchés de jolies maisons dont certaines, en pierres de granit, revêtent un caractère typique. Nous partons visiter la presque île de Miliau qui, comme sont nom l’indique, n’est accessible que durant les heures de marée basse. Durant la balade, notre odorat est flatté par le mélange d’une odeur de conifères réveillée par les pluies de la veille et de celle de l’air marin iodé. Nous restons trois heures sur l’île que nous prenons soin de quitter avant que l’eau ne referme le passage qui la relie à Trebeurden.

Depuis que Charlotte a découvert le paddle à St. Anne, il n’y a plus d’escale sans paddle. Nous passons donc une fin d’après-midi à la plage. Le port offre aussi la possibilité d’emprunter des vélos électriques pour une demi journée. Je pars donc en expédition à la découverte de l’arrière pays breton.

Passé la date fatidique du lundi 15 août, nous décidons de commencer l’école avec Charlotte. Cette rentrée anticipée a pour but de compenser les périodes de navigation à venir, au cours desquelles nous n’aurons pas l’occasion de travailler. Avec un peu d’intendance et d’entretien du bateau, le programme est presque complet et il est temps de préparer la prochaine navigation.

Mensiversaire

Nous avons quitté notre petite maison il y a 1 mois. Depuis notre départ de la gare des Guillemins à la Baie de Morlaix où nous sommes arrivés, un début de chemin a été parcouru.

La petite escapade du côté des îles anglo-normandes nous a fait le plus grand bien. En toute subjectivité assumée, la culture britannique continue de nous fasciner (ou est-ce simplement un rappel des belles années ?). Le port fleuri, les rues piétonnes, les églises chaleureuses, les pubs faussement désuets dégagent une atmosphère particulière. Nous y avons même croisé Punch et Judy (le pendant beaucoup plus déjanté de Tchantchès et Nanesse – désolée pour la team Guignol). Avant de regagner le continent, les équipets sont chargés de denrées gastronomiques, pour faire durer le plaisir (et oui, nous accostons en France remplis de nourriture anglaise : je suis prête à défendre mes choix gastronomiques).

Bien équipés, nous mettons le cap sur Lézardrieux puis Trebeurden, et enfin Roscoff. La mer est constellée de rochers de granit rose, le soleil est au rendez-vous et même… les dauphins. Il semblerait que les dauphins soient de loin le meilleur remède contre le mal de mer. Ce n’est pas le traitement le plus simple à emporter avec soi, du coup le mal de mer reste présent en leur absence. A terre, nous avons d’abord rendez-vous avec les poneys, les activités de plage, le folklore et les randonnées (même si le piéton semble une espèce menacée). Une fois que nous sommes à court de vivres britanniques, nous nous rabattons sur les crêpes et galettes bretonnes. Nous sommes en sécheresse, ce qui est une rareté pour cette région réputée humide. Il n’y a pourtant aucune restriction sur le pétrole, et la mobilité douce peut être compliquée, voire périlleuse.

En 1 mois, nous avons découvert ce qui était essentiel et ce qui ne l’était pas, ce qui manque et ce qui finalement ne manque pas. Nous sommes surpris. En ayant le privilège du temps, les besoins matériels s’effacent. Contrairement à mon attente, il n’y a eu ni déconnexion, ni cocon de solitude, ni silence ; c’est plutôt le contraire. La mer n’est jamais silencieuse. La vie n’est plus cloisonnée par les séparations travail/famille/loisirs, et il n’y a plus de sas de solitude non plus. Le rythme a changé. La connexion est intense et physique, d’une part aux éléments (le soleil, la lumière, l’eau, le vent, la houle, le sel, la température), mais aussi au monde humain (les rencontres de ponton, la famille, la grande famille, les amis, le pays, le monde). Bien sûr internet est capricieux et le plus souvent absent, mais la dimension qui a changé est la dimension temporelle. Voici que nous avons le temps de lire les journaux, les livres, les romans, les essais que nous n’avions plus le temps de lire. Le cocon est percé de toutes parts par l’actualité, rarement gaie, qui nous parvient.

Lezardrieux

Nous quittons donc le mouillage de Sark après le petit déjeuner. Lezardrieux se trouve à environ 50 miles. Le temps est magnifique et le vent est annoncé portant de 12 à 15 noeuds. La mer est dite peu agitée dans le jargon. Cela signifie toutefois que la hauteur moyenne du tiers des vagues les plus hautes peut atteindre 1,25 m. Lorsque la période est courte, c’est à dire que l’intervalle entre deux vagues est bref, cela peut déjà faire dandiner Lady Mi assez significativement. Notre objectif est d’arriver dans le chenal qui mène à la rivière du Trieux fin d’après-midi, ce qui correspond à l’étale du courant, afin de faciliter l’approche et la navigation dans le chenal.

Nous arrivons aux abords de l’île de Brehat vers 15h30. L’approche est majestueuse. Nous longeons l’île avant d’entamer la remontée du Trieux sur environ trois miles. Nous nous enfonçons progressivement dans les terres en remontant cette rivière dont les berges sont jonchées d’impressionnants blocs de granit et de pins. Nous avançons presque trop facilement sous génois seul au grand largue. Nous savons que le premier ponton visible à l’approche du port est celui où les visiteurs peuvent s’amarrer. A notre arrivée, une seule place semble encore disponible. Elle est étroite mais cela semble pouvoir jouer. En fait non… Nous nous engageons mais le bateau reste bloqué entre le catway et le bateau voisin. Qu’à cela ne tienne, marche arrière et on verra. Une autre place que nous n’avions pas vue nous est indiquée. Elle n’est pas dans l’axe et l’accès est très étroit. En l’absence d’alternative, nous tentons l’approche. C’est à ce moment que nous comprenons comment la remontée de la rivière a été aussi facile. Nous sommes poussés par un courant d’environ quatre nœuds qui rend le bateau très peu manœuvrant. Nous arrivons tant bien que mal, aidés par quelques locaux, à nous amarrer sans causer de dégâts ni a autrui, ni à Lady Mi. Pour l’élégance, il faudra revenir à Lezardrieux…

Lezardrieux est un joli petit village breton perché sur les berges du Trieux. Il se parcourt facilement à pied pour ce qui est des distances mais malheureusement, la circulation automobile y est dense et les aménagements pour les piétons pratiquement inexistants, ce qui enlève une partie du plaisir que l’on peut trouver à y flâner.

Nous y passons trois belles journées, sous le soleil et à la chaleur. Au programme, promenade le long du Trieux, paddle, snorkling et un peu de repos.

Guernesey – Sark

Après trois belles journées passées à St. Anne, nous décidons de reprendre la mer en direction de Guernesey. Une étape longue d’un peu plus de 20 miles nautiques, soit environ quatre heures de navigation. Le temps est ensoleillé, la visibilité est bonne, le vent est favorable et l’état de la mer acceptable. Par conséquent, nous empruntons deux chenaux entre les îles: le Swinge et le « Little Russel ». Ces chenaux sont réputés pour leurs forts courants. L’approche de Guernesey via le « Little Russel » impose de suivre deux alignements successifs. C’est très prenant même si la technologie GPS et les traceurs de cartes modernes relèguent au second rang ces techniques de navigation. Qu’à cela ne tienne, nous nous prêtons toutefois au jeu pour notre plus grand plaisir.

Nous arrivons à St Peter port (Guernesey) en début de soirée. Le « harbour master » nous oriente immédiatement vers les pontons d’accueil qui sont, et ce n’est rien de le dire, littéralement bondés. Comme toujours, il n’y a pas assez de vent en mer et trop de vent au port et nous allons encore devoir jouer à Tetris avec les bateaux. Heureusement, nous nous amarrons facilement à couple d’un autre bateau Belge. Ce n’est que le lendemain matin, lorsque la hauteur d’eau est suffisante, que nous avons le privilège de rentrer dans la marina « Victoria ».

Au delà de ces considérations purement maritimes, arriver à Guernesey est pour nous l’occasion de reprendre une bouffée d’air Britannique, notre madeleine à nous. Nous humons donc l’écume des souvenirs en parcourant les rues commerçantes de St. Peter ainsi que les rayons du Marks & Spencer.

Nous y visitons également le Château Cornet, une fortification qui domine l’entrée du port et témoigne à nouveau du passé belliqueux du continent européen et de l’importance stratégique de ces îles. Dans un tout autre style, la maison Hauteville, seconde demeure de Victor Hugo lors de son exil à Guernesey, offre une vue imprenable sur la baie de St. Peter. Sa visite est un voyage dans la vie de l’auteur, de l’artiste et dans son oeuvre.

Vient ensuite l’heure de penser à la prochaine étape. La contrainte de la marina Victoria est que nous ne pouvons la quitter que vers la marée haute, ce qui tombe pour nous en milieu de nuit ou fin d’après-midi. J’exclus d’emblée un départ nocturne qui ne me paraît pas prudent dans ces eaux parfois difficiles à naviguer et que nous ne connaissons pas. J’exclus aussi une arrivée de nuit dans un port inconnu pour les mêmes raisons. Nous sommes donc contraints à un départ fin d’après-midi et à une navigation relativement courte pour éviter une arrivée nocturne. Le météo étant particulièrement favorable, nous optons pour un mouillage (baie ou l’on peut s’ancrer pour la nuit) au sud de Sark. Le vent étant de secteur nord et la houle non significative, nous devrions être bien abrités. Nous mettons deux heures pour atteindre la baie et mouillons l’ancre. Le cadre est paradisiaque et nous commençons par un petit plongeon autour du bateau. Une fois remontés à bord, nous nous rendons compte que, malgré ces conditions apparemment idéales, le bateau roule en raison d’une houle non attendue, orientée au sud-est et qui entre dans la baie. Le bateau bouge tellement qu’il est difficile pour nous de trouver le sommeil. Nous estomacs supportent aussi difficilement cette nuit chahutée à tel point que nous anticipons légèrement le départ le lendemain matin. C’est ça aussi la vie sur un bateau.